Bulletin d’information PEMTAfrique, édition Juin 2022

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PEMTAfrique présente son deuxième bulletin d’information! Ce bulletin d’information met en exergue les développements des nouvelles technologies en Afrique, en mettant l’accent sur le climat et la géo-ingénierie, l’agriculture et l’alimentation, les technologies génétiques et les technologies numériques. Il contient également des illustrations de Freehand Studios à Nairobi. Nous espérons que ce bulletin vous sera utile. Partagez ce bulletin et encouragez les autres à s’y souscrire!

Qu’est-ce que AfriTAP? AfriTAP est le nom abrégé de African Technology Assessment Platform (en français PEMTAfrique, Plateforme d’Évaluation Multidimensionnelle des Technologies en Afrique). Il s’agit d’une nouvelle initiative de groupes de la société civile africaine et internationale travaillant ensemble pour suivre, comprendre et répondre aux nouvelles technologies qui remodèlent nos vies et notre environnement. AfriTAP est un projet de collaboration entre HOMEF (Nigeria), IRPAD (Mali), Terre a Vie (Burkina Faso), CESAO (Afrique de l’Ouest) et ETC Group (international) et espère devenir un réseau continental. Notre objectif est de surveiller les nouvelles technologies qui sont introduites sur le continent et de veiller à ce que les organisations de la société civile disposent d’informations pertinentes pour pouvoir les évaluer, élaborer des stratégies et s’organiser.

Cette édition traite:

Technologies agro-alimentaires

  • Le Kenya criminalise le partage des semences indigènes
  • Des groupes de la société civile africaine et des paysans exigent l’interdiction du niébé BT au Nigeria et en Afrique de l’Ouest
  • Le rapport de l’IPES-Food remet en question l’idée que nous avons besoin de protéines alternatives
  • L’Organisation des Nations unies pour l’alimentation et l’agriculture (FAO) publie un rapport sur le statut de l’agriculture numérique dans 47 pays d’Afrique subsaharienne et les groupes de la société civile réagissent au document du groupe d’experts de haut niveau de la FAO sur les données.

Technologies climatiques et de la géo-ingénierie

  • La recherche en géo-ingénierie a lieu en Côte d’Ivoire, au Bénin, au Kenya et en Afrique du Sud

Technologies génétiques

  • Les pays africains insistent sur la compensation des découvertes utilisant des formes numériques de leur biodiversité lors d’une réunion de l’ONU
  • Selon un rapport du Centre africain pour la biodiversité, le paludisme est en train d’être financiarisé pour servir de source de capitaux malveillants
  • L’Uganda Virus Research Institute (UVRI), l’institution de Target Malaria en Ouganda, prévoit de lâcher des moustiques génétiquement modifiés à des fins expérimentales.
  • Target Malaria importe davantage d’œufs de moustiques génétiquement modifiés au Burkina Faso en vue de la phase suivante de son projet

Technologies numériques

  • Africa Google et Meta investissent dans des câbles sous-marins, ce qui leur confère un contrôle sans précédent en Afrique

Négociations Internationales

  • La convention sur la diversité biologique (CDB) juin 2022: la campagne africaine pour l’évaluation des technologies
  • La commission de la science et de la technologie au service du développement (CSTD): La CSTD poursuit son évaluation technologique sur l’énergie et l’agriculture en Afrique

Technologies Agro-Alimentaires

Le Kenya criminalise le partage des semences indigènes

Le Kenya criminalise le partage des semences indigènes Crédit: Chief Nyamweya, Freehand Movement

Fin 2021, le Kenya a adopté une version révisée de la loi sur les semences et les variétés végétales de 2012, partie 2(8), en vertu de laquelle les paysans qui vendent ou partagent des semences autochtones sont passibles d’une peine de prison de six mois ou d’une amende de 20 000 shillings kenyans (180 dollars). Un certain nombre de Kenyans ont réagi à la nouvelle en affirmant que la nouvelle loi était un moyen d’armer l’insécurité alimentaire, d’empêcher les Kenyans pauvres d’avoir accès à la nourriture et de créer un marché pour les entreprises semencières commerciales. Une telle loi n’existe pas dans les pays voisins notamment la Tanzanie et l’Ouganda, où les paysans peuvent vendre et partager les semences librement. Cette nouvelle loi est basée sur les dispositions de l’Union pour la protection des obtentions végétales de 1991 (UPOV) dont le Kenya est signataire, et qui impose des droits de propriété intellectuelle sur les variétés végétales et oblige les États membres à adopter des lois et des règlements qui privatisent les semences, les agriculteurs payant des redevances aux multinationales semencières. Selon GRAIN, l’UPOV favorise la “découverte” de semences indigènes, leur appropriation par des sociétés qui empêchent ensuite les paysans d’utiliser et d’échanger leurs semences. Une coalition d’organisations de la société civile se mobilise à l’échelle mondiale contre l’UPOV tandis qu’au Kenya, les communautés Maasai et Kalenjin se mobilisent contre un individu qui utilise la loi de 2012 sur les semences et les variétés végétales pour établir un droit de monopole sur une variété d’herbe à buffles.

Des groupes de la société civile africaine et des paysans exigent l’interdiction du niébé BT au Nigeria et en Afrique de l’Ouest

Une coalition d’organisations, des paysans et de chercheurs de plusieurs pays africains appellent à l’interdiction de la distribution du niébé BT au Nigeria et dans d’autres pays d’Afrique de l’Ouest. Le niébé est une variété indigène africaine, également connue sous le nom de haricot à œil noir, qui joue un rôle préponderant dans la production alimentaire et dans les revenus des populations d’Afrique de l’Ouest. Bien que le Nigeria soit l’un des principaux producteurs de cette variété, le pays doit en importer une grande quantité pour répondre à la demande. En 2019, le Nigeria a mis sur le marché une variante génétiquement modifiée du niébé qui porte un gène insecticide microbien fourni par la multinationale de l’agroalimentaire Bayer, afin de la rendre résistante aux ravageurs majeurs. Le Ghana, le Burkina Faso et le Niger devraient être les prochains pays à commercialiser le niébé BT.

Les groupes de la société civile africaine ont noté que l’utilisation du transgène a été interdite en Afrique du Sud, et qu’il a été démontré par les scientifiques qu’il est toxique pour les cellules du foie humain et animal, et qu’il est capable d’altérer le système immunitaire. Des groupes, dont la Health of Mother Earth Foundation (HOMEF), basée au Nigéria, ainsi que d’autres groupes, ont exigé que la distribution de niébé BT aux exploitants soit immédiatement arrêtée, car elle pourrait avoir de graves répercussions sur l’environnement, les semences paysannes, les populations et les pratiques agricoles, et pourrait piéger les paysans dans des pratiques agricoles non-durables, aggravant ainsi la menace qui pèse sur la sécurité alimentaire et les droits des exploitants familiaux. « Suivre la voie des OGM est une solution fausse et non-durable aux défis auxquels sont confrontés les exploitants familiaux et finira par les rendre plus vulnérables, comme en témoigne l’échec dans d’autres pays, » a déclaré Nnimmo Bassey, Directeur d’HOMEF. D’autres groupes ont également appelé les gouvernements africains à renforcer la législation de leur pays en matière de biosécurité, conformément au principe de précaution, qui préconise la prudence lorsqu’il n’existe aucune certitude quant à la sécurité de l’environnement et de la santé, et à apporter un soutien adéquat aux exploitants familiaux, qui résistent depuis de nombreuses années aux invasions de parasites et de maladies grâce aux techniques d’adaptation des connaissances traditionnelles.

Le rapport de l'IPES-Food remet en cause l'idée de la nécessité de protéines alternativesCrédit: IPES Food

Le rapport de l’IPES-Food remet en cause l’idée de la nécessité de protéines alternatives

L’IPES-Food, le panel international d’experts sur les systèmes alimentaires durables, a publié un rapport sur la politique des protéines qui met en garde contre les risques d’une survalorisation des alternatives à la viande d’origine végétale, telles que la production de viande en laboratoire (artificielle) et l’élevage et la pisciculture de précision. L’expansion du marché des protéines alternatives issues de l’ingénierie technologique est parfois justifiée comme une réponse à la crise climatique et aux menaces d’insécurité alimentaire. Certains gouvernements élaborent des stratégies « protéines » et canalisent des fonds vers la production de la viande artificielle, une viande produite en laboratoire et les substituts à base de plantes. De même, les entreprises industrielles de produits carnés et laitiers se développent dans ce secteur parce qu’il leur offre d’importantes possibilités de croissance économique.

L’IPES-Food révèle que cette « convergence des protéines » implique la majorité des industries de transformation de produits carnés dominants dans le monde, dont JBS, Tyson, WH Group et Cargill. Le rapport affirme que la viande artificielle est une fausse « technologie à effet de levier ». Il affirme qu’il est trompeur d’évoquer un « déficit en protéines » à combler technologiquement dans le régime alimentaire des personnes souffrant de malnutrition et de faim, mais qu’un régime alimentaire peu équilibré est plutôt lié à la pauvreté et à l’accès à la nourriture. Le débat sur les protéines alternatives, selon le rapport, se concentre excessivement sur les protéines plutôt que sur les systèmes alimentaires en général, et néglige l’importance de produits carnés dans les systèmes pastoraux et la pêche artisanale. « Les protéines alternatives” pourraient également développer une nouvelle phase d’industrialisation du système alimentaire, sapant les moyens de subsistance de millions de producteurs alimentaires, plutôt que de soutenir des changements transformationnels dans le système alimentaire actuel. L’IPES-Food recommande d’alternatives aux protéines, notamment en se concentrant sur évolution vers des systèmes alimentaires durables.

rapport sur l’état de l’agriculture numérique dans 47 pays d'Afrique subsaharienneCrédit: FAO

L’Organisation des Nations Unies pour l’alimentation et l’agriculture (FAO) publie un rapport sur l’état de l’agriculture numérique dans 47 pays d’Afrique subsaharienne: les groupes de la société civile réagissent au document du groupe d’experts de haut niveau de la FAO sur les données

En mars 2022, l’Organisation des Nations unies pour l’alimentation et l’agriculture (FAO) et l’Union internationale des télécommunications (UIT) ont publié un rapport sur l’état de l’agriculture numérique dans 47 pays d’Afrique subsaharienne. Dans ce document, la FAO et l’UIT plaident pour une transformation numérique du secteur agricole par l’amélioration des infrastructures et un accès accru aux technologies numériques. Ils affirment qu’avec cette transformation, l’Afrique subsaharienne pourrait doubler ou tripler sa productivité agricole, ce qui, à son tour, « contribuerait à sortir plus de 400 millions de personnes en Afrique subsaharienne » de « l’extrême pauvreté ».  Pour que cette transformation ait lieu, le rapport affirme que ce qu’il faut, entre autres, c’est un « environnement commercial favorable ». La FAO et l’UIT soulignent que l’Union africaine donne également la priorité à la nécessité de la numérisation en Afrique en élaborant la Stratégie de transformation numérique pour l’Afrique, qui vise à mettre en place un marché unique numérique à l’horizon 2030, et que l’établissement de la zone de libre-échange continentale africaine (AfCFTA) et les partenariats public-privés (PPP) créeront des opportunités pour les entreprises agricoles numériques dans toute la région. Les groupes du Mécanisme de la société civile et des populations autochtones (CSIPM) du Comité de la sécurité alimentaire, qui comprend également des pasteurs, des agriculteurs, des acteurs de l’industrie agroalimentaire, des femmes, des jeunes et les mouvements des sans-terre, ont exprimé leur inquiétude face au Groupe d’experts de haut niveau de la FAO et à son insistance à promouvoir l’importance des données liées à la sécurité alimentaire et la nutrition.  La CSIPM attire l’attention sur les données en tant que marchandise, sur leur capacité à exercer un pouvoir de monopole et à fausser la gouvernance, et sur la manière dont la mobilisation des données par le secteur privé a conduit à une augmentation des fusions d’entreprises, à la financiarisation des systèmes alimentaires, à l’inégalité et au contrôle asymétrique de l’information, de la terre, du commerce et de la production. Le groupe ETC et GRAIN surveillent constamment les tendances menaçantes de la numérisation de l’agriculture et ses effets sur les producteurs,les acteurs du secteur alimentaire, les vendeurs et les consommateurs.

Les Technologies Climatiques et de la géo-ingénierie

La recherche en géo-ingénierie a lieu en Côte d'Ivoire, au Bénin, au Kenya et en Afrique du Sud Crédit: Chief Nyamweya, Freehand Movement

La recherche en géo-ingénierie a lieu en Côte d’Ivoire, au Bénin, au Kenya et en Afrique du Sud

Un grand nombre de projets de recherche sur la possibilité de gérer la lumière solaire sont en cours dans plusieurs pays africains. La Gestion de rayonnement solaire (GRS) est une stratégie de géo-ingénierie qui tente de renvoyer la lumière du soleil dans l’espace en utilisant des techniques telles que la pulvérisation de sulfates dans la stratosphère et la modification des nuages, des plantes et de la glace pour qu’ils réfléchissent davantage la lumière du soleil. La géo-ingénierie fait référence à la manipulation technologique à grande échelle des systèmes terrestres pour tenter de gérer certains symptômes du changement climatique, mais sans s’attaquer à ses causes profondes.

Le financement de la recherche sur la GRS en Afrique est assuré par une organisation britannique appelée Degrees Initiative, dirigée par d’éminents défenseurs des techniques de géo-ingénierie et qui prétend avoir porté « la conversation sur la gestion des risques systémiques dans les pays du tiers-monde.” Comme les propositions de géo-ingénierie sont dans l’ensemble créées par les grandes puissances industrielles à fortes émissions afin d’éviter de réduire leurs propres émissions, ils créent des projets de « soutien à la recherche » impliquant des chercheurs en Afrique afin de pousser l’idée que la géo-ingénierie intéresse les pays du tiers-monde. En 2018, Degrees Initiative a lancé le fonds DECIMALS pour financer des chercheurs du tri-continental afin d’analyser les impacts de la Gestion du rayonnement solaire dans leurs régions.

Selon l’organisation, DECIMALS est le plus grand programme de recherche en matière de la GRS au monde. En 2022, son budget annuel a été porté à 1 million de dollars et dispose désormais d’équipes de recherche en Côte d’Ivoire, au Bénin, au Kenya et en Afrique du Sud, qui suivent toutes les suggestions de Degrees Initiative. Cette dernière affirme avoir une position neutre sur la GRS et d’élargir la « conversation mondiale », mais les groupes de la société civile qui surveillent les technologies de géo-ingénierie s’inquiètent du fait qu’ils ouvrent la voie au déploiement de cette technologie en lançant des projets de recherche. « De nombreux chercheurs de DECIMALS continuent d’affirmer que les conséquences sont alarmantes, mais continuent de plaider en faveur de recherches supplémentaires, ce qui finit par renforcer la nécessité de procéder à des essais sur le terrain », a déclaré Serayna Solanki, coordinatrice de la campagne Hands Off Mother Earth (HOME). Selon un rapport du Centre régional de la convention de Bâle intitulé « Study on Geo-engineering and African Perspectives, » les défenseurs de la géo-ingénierie ont rencontré les négociateurs africains sur le climat et ont tenté de les convaincre d’engager des tests au niveau régional pour mesurer les effets sur les cycles de sécheresse au Sahel. « C’est vraiment inquiétant que des chercheurs engagés par les grandes jouent avec le climat complexe de l’Afrique – c’est un exemple clair de la façon dont les recherches de DECIMALS peuvent être utilisées de cette manière par les vrais défenseurs de la géo-ingénierie, » a déclaré Solanki. D’autres projets et expériences de géo-ingénierie sur le continent peuvent être consultés sur la carte de la géo-ingénierie.

Les technologies génétiques

Les pays africains exigent de dédommagement pour les découvertes réalisées sur la base de formes numériques de la biodiversité

En mars 2022 s’est tenue à Genève une réunion de la Convention sur la diversité biologique (CDB) visant à poursuivre les négociations en vue d’un accord mondial sur la biodiversité, le Cadre mondial pour la biodiversité. Lors de cette réunion, une controverse a eu lieu au sujet de l’information sur les séquences numériques (DSI), le terme donné aux données génétiques sous forme numérique. Lors de la réunion, les pays en voie de développement ont exigé d’être dédommagés pour les découvertes et les produits conçus sur la base de leur biodiversité, les pays africains demandant spécifiquement la mise en place d’un mécanisme de dédommagement financier sur toute découverte utilisant leur biodiversité sous forme numérique. Les informations issues du séquençage numérique ont permis la mise au point de nombreux médicaments et produits, notamment des thérapies contre le VIH, des vaccins de COVID et des édulcorants pour boissons. Lors de cette réunion, des représentants d’Afrique, d’Amérique latine et des Caraïbes ont affirmé que le DSI était une forme de biopiraterie qui permettait aux entreprises pharmaceutiques et autres acteurs du domaine d’éviter de partager les bénéfices de la biodiversité de leurs pays. Les pays africains ont proposé une taxe sur la biodiversité de 1% sur le prix de détail de tous les produits créés à partir de ressources génétiques et de DSI, qui serait affectée à la conservation de la biodiversité. Le DSI est considéré comme une « zone grise » car tous les pays n’ont pas ratifié le protocole de Nagoya sur l’accès et le partage des profits, qui est apparemment conçu pour sauvegarder les connaissances traditionnelles des peuples autochtones en exigeant que les connaissances traditionnelles et les ressources génétiques associées ne soient accessibles qu’avec le consentement préalable en connaissance de cause (CPCC) des peuples autochtones, et si l’accès est autorisé, le partage juste et équitable des profits doit être assuré. Les négociations de la réunion de Mars 2022 n’ont pas abouti et se poursuivront en Juin 2022 à Nairobi. 

Selon un rapport du Centre africain pour la biodiversité, le paludisme est en train d’être financiarisé pour servir de source de capitaux malveillants

Selon un rapport du Centre africain pour la biodiversité, le paludisme est en train d'être financiarisé pour servir de source de capitaux malveillantsCrédit: Chief Nyamweya, Freehand Movement

Le Centre africain pour la biodiversité (ACB) a publié un rapport sur la financiarisation du paludisme en tant que source de capitaux malveillants, en mettant le focus sur le Burkina Faso. La financiarisation est définie comme le rôle croissant que les marchés financiers, les institutions, les acteurs et les motivations financières jouent dans le façonnement des économies et des sociétés internationales et nationales. Le rapport indique que la financiarisation du paludisme joue un rôle important dans les ripostes à la maladie, les pays et les bailleurs de fonds investissent dans la recherche tandis que les organisations à but non lucratif s’associent aux acteurs du marché (comme les entreprises pharmaceutiques) pour commercialiser les produits antipaludéens. Lorsque ces produits sont vendus aux gouvernements des comtés, les redevances et les brevets sont accumulés par les sociétés de recherche et de développement. Seul 1 % des fonds destiné à la lutte contre le paludisme alimente les institutions de recherche locales des pays touchés.

Selon le rapport, les gouvernements faibles et corrompus sont particulièrement vulnérables à la financiarisation et, en Afrique, le paludisme est de plus en plus traité par des « solutions chimiques, médicamenteuses, de haute technologie, risquées et non testées, » tandis que les communautés reçoivent des technologies importées de l’Occident, comme les moustiques génétiquement modifiés et le forçage génétique. Dans le cas du Burkina Faso, la financiarisation du paludisme se fait par le biais du philanthrocapitalisme et plus particulièrement par le projet de la Fondation Bill et Melinda Gates et des entreprises qu’elle finance. Pour combattre cette tendance, ACB et ses partenaires appellent les citoyens africains à exiger la décolonisation de la santé publique et à lutter contre la privatisation du secteur de la santé. Ils appellent également les gouvernements à orienter des ressources financières vers le renforcement du système de santé publique, l’assainissement, l’accès à l’eau potable et l’amélioration du cadre de vie. Nous devons contester et repousser avec véhémence la privatisation accrue du secteur de la santé.

L’institut de recherche sur les virus de l’Ouganda (UVRI) , l’institution de Target Malaria en Ouganda, prévoit de lâcher des moustiques génétiquement modifiés à des fins expérimentales

L’Institut de recherche sur les virus de l’Ouganda (UVRI) à Entebbe, par l’intermédiaire duquel Target Malaria promeut son projet visant à relacher de moustiques génétiquement modifiés pour l’éradication du paludisme, a approché les autorités municipales avec des plans de relâche de des moustiques génétiquement modifiés à des fins expérimentales et a reçu l’approbation du maire d’Entebbe. La libération de moustiques mâles génétiquement modifiés fait partie du processus expérimental pour parvenir au forçage génétique. Les organismes génétiquement modifiés sont créés grâce au forçage génétique d’un organisme vivant et doté d’un caractère particulier, puis par la modification du système reproductif de l’organisme afin d’imposer le gène modifié aux générations futures, propageant ainsi le caractère dans toute la population. Dans le cas du moustique porteur du paludisme, Anopheles gambiae, le forçage génétique empêcherait les moustiques d’avoir une progéniture ou une progéniture femelle. Enfin, ces moustiques modifiés transmettraient alors leurs gènes à un pourcentage élevé de leur progéniture. À terme, l’espèce entière serait complètement éliminée.

Target Malaria importe davantage d’œufs de moustiques génétiquement modifiés au Burkina Faso en vue de la prochaine phase de son projet

En mars 2022, l’IRSS (Institut de Recherche en Sciences de Santé), l’institution partenaire de Target Malaria au Burkina Faso, a importé des œufs de moustiques génétiquement modifiés d’Italie. Ces œufs sont une autre souche de moustiques génétiquement modifiés, sans forçage génétique, avec un but de produire une progéniture principalement mâle. Target Malaria affirme que cette nouvelle phase d’expérimentation au Burkina Faso vise à comprendre cette « nouvelle souche fertile, à renforcer les capacités des équipes de Target Malaria et à s’engager auprès des autorités de réglementation et des parties prenantes. » Ces expériences font partie d’un processus plus long qui vise à relâcher des moustiques génétiquement modifiés, prétendument pour éradiquer le paludisme. Plus de 170 groupes de la société civile, agriculteurs et activistes au Burkina Faso et dans le monde entier s’opposent depuis de nombreuses années au projet de forçage génétique de Target Malaria. Ils s’inquiètent du manque de transparence dans le processus, du manque de sensibilisation à l’endroit du public, et des risques potentiels pour les communautés locales et ont appelé à l’arrêt immédiat des essais expérimentaux des moustiques génétiquement modifiés.

Les Technologies Numériques

Google et Meta investissent dans des câbles sous-marins, ce qui leur assure un contrôle sans précédent en AfriqueCrédit: Chief Nyamweya, Freehand Movement

Google et Meta investissent dans des câbles sous-marins, ce qui leur assure un contrôle sans précédent en Afrique

Alphabet (Google) a commencé les travaux de la pose d’un câble sous-marin qu’elle appelle Equiano. Le câble partira d’Afrique du Sud, remontera la côte ouest jusqu’au Portugal, reliant ainsi l’Afrique à l’Europe. Google affirme que le câble ajoutera 10 milliards de dollars au PIB du Nigeria et créera 1.6 million de nouveaux emplois dans le pays, mais ces câbles visent également à extraire des données précieuses du continent. Meta (anciennement connu sous le nom de Facebook) pose également un câble de 45 000 km appelé 2Africa qui reliera le Portugal puis se déplacera vers le sud au large de la côte atlantique de l’Afrique, et continuera en contournant le Cap de Bonne Espérance, en remontant la côte de l’océan Indien, en traversant l’Égypte puis en rejoignant les côtes européennes. En septembre 2021, Meta a ensuite annoncé une nouvelle expansion du câble 2Africa en 2Africa Pearls, qui bifurquera près de la Corne de l’Afrique et reliera l’Inde, le Pakistan et presque tous les États du Golfe. Il s’agira du plus long câble de données sous-marin du monde. Les constructeurs de ces pipelines de données vantent le fait qu’ils apporteront une « connectivité internationale sans faille » à 33 pays abritant 3 milliards de personnes, soit 36 % de la population mondiale en total. Toutefois, il ne s’agit pas d’une démarche altruiste visant à assurer à chaque Africain un accès à une connexion Internet mondiale.  L’établissement d’une meilleure connectivité des données en Afrique est considéré comme un prérequis pour libérer les modèles commerciaux numériques sur le continent – y compris l’agriculture numérique généralisée, l’ouverture des portes à la télémédecine mondiale, le commerce en ligne, la technologie financière et plus encore pour accéder aux données, aux ressources et aux consommateurs sur le continent africain. Une enquête de Rest of World révèle que ces câbles placeront un « niveau de contrôle sans précédent » entre les mains de ces deux titans de la technologie, reconstruisant l’internet en une sorte de supranet qui sera dominé par un petit nombre de méga réseaux fonctionnant à l’aide de leur propre infrastructure physique. Les critiques s’inquiètent du fait qu’il n’existe aucune politique publique pour limiter le pouvoir de ces entreprises, en particulier si elle venaient à contrôler l’infrastructure.

Les Négociations Internationales

La Convention sur la diversité biologique (CBD) juin 2022: l’Afrique fait pression pour l’évaluation des technologies

La quatrième réunion du groupe de travail à composition non limitée sur le Cadre mondial pour la biodiversité (CMB) post-2020 se déroule actuellement à Nairobi du 21 au 26 juin 2022, en vue de préparer la COP15 qui doit se tenir à Montréal, du 5 au 17 décembre 2022. Cette réunion fait suite aux réunions de mars 2022 de la Convention sur la diversité biologique à Genève, au cours desquelles les pays africains se sont mobilisés pour obtenir une évaluation des technologies, mais les négociations sont restées inachevées. Les représentants de la Fondation Gates ayant activement promu diverses formes de biologie synthétique à Genève, notamment le forçage génétique, les virus génétiquement modifiés et les vaccins animaux à diffusion automatique, on s’attend à ce que ceux qu’ils financent en Afrique fassent pression pour que ces technologies soient autorisées dans le cadre du CMB.

La Commission de la science et de la technologie au service du développement (CSTD): La CSTD poursuit son évaluation des technologies énergétiques et agricoles en Afrique.

La Commission de la science et de la technologie au service du développement (CSTD) met en place un nouveau projet d’évaluation des technologies dans les domaines de l’énergie et de l’agriculture ciblant trois pays d’Afrique: l’Afrique du Sud, les Seychelles et la Zambie. L’évaluation des technologies est un processus qui consiste à évaluer les nouvelles technologies en les soumettant à un examen critique. La CSTD la définit comme « un processus axé sur les problèmes qui vise à examiner les effets sur la société de l’introduction, de l’extension ou de la modification d’une technologie ». Elle entend contribuer à l’évaluation des avantages et des méfaits des nouvelles technologies et à remédier au manque de capacités des pays africains à comprendre les implications socio-économiques et environnementales des technologies nouvelles et émergentes.  Le groupe ETC fait pression en faveur de l’évaluation des technologies à la CSTD depuis 2017 et s’inquiète du fait que ce projet ne mette pas en avant la participation des populations locales, des communautés et de la société civile, qu’ETC considère comme des composantes clés d’une évaluation efficace des technologies. Plusieurs pays africains ont émis des doutes sur la méthodologie d’évaluation des technologies, du moment où celle-ci a une appréciation limitée des innovations communautaires et des systèmes de connaissances traditionnels en général.  Le Groupe ETC et PEMTAfrique suivront de près la mise en œuvre du projet d’évaluation technologique de la CSTD en Afrique. 

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