Les jurys citoyens, une forme
d’évaluation technologique
participative

Il existe une riche histoire de rituels de prise de décisions dans de nombreuses sociétés, qui leur permettent de planifier l’avenir et d’arbitrer les conflits. L’arène politique du débat qu’était l’agora (la place de l’assemblée) d’Athènes au début du 5ème siècle av. J.-C. est peut-être le modèle ancien le mieux documenté. D’autres traditions similaires ont existé, comme le Gotti des Adivasis (un peuple autochtone) des Ghats Orientaux en Inde.

Dans les cours de justice à travers le monde, la pratique des jurés d’assise est commune. Ils et elles écoutent les témoins de l’accusation et de la défense, délibèrent à huis-clos et prennent une décision à la majorité des votes, qui est ensuite annoncée à la communauté. Le système de jury est perçu comme juste, grâce à la notion de jugement par les pairs et du fait de l’exercice de la justice par un jury qui, dans sa forme idéale, évalue toutes les preuves pertinentes de manière impartiale. 

Les jurys citoyens peuvent avoir des formes diverses et servir à prendre différents types de décisions, mais ils suivent conventionnellement une procédure uniforme. Douze personnes ou plus issues de la population (les « jurés ») participent à un processus de dialogue et sont guidées par un.e président.e ou un.e animateur.rice. Ils.elles interrogent des spécialistes (parfois appelés « témoins ») choisi.e.s en raison de leurs connaissances du sujet spécifique. 

À la différence des jurys légaux, c’est un sujet, et non un individu, qui est « jugé ». 

Les jurés élaborent et publient leurs conclusions, et quelques jurés peuvent avoir le rôle de porte-parole du jury. Le processus de jury citoyen est censé être transparent, avec la garantie de justice et d’équilibre des informations fournies par les témoins et de la présidence des délibérations qui s’ensuivent. 

Les caractéristiques communes d’un jury citoyen sont : 

1) Les membres du jury représentent une diversité de milieux, d’expériences.

2) Les spécialistes présentent des perspectives contrastées sur le sujet débattu. Les jurés recoupent les questions, avec l’aide d’un.e ou plusieurs président.e.s ou animateur.rice.s. 

3) Les jurés participent à un processus de délibération, avec l’aide d’animateur.rice.s. En général, un rapport court est rédigé, avec des recommandations pour les décideur.euse.s politiques.

Dans des jurys bien organisés, la rigueur démocratique du processus est garantie grâce à une collaboration rapprochée entre les animateur.rice.s et un comité de supervision indépendant, composé de diverses personnes qui détiennent des connaissances pertinentes sur le sujet de la discussion, ou qui ont une expérience des procédures de délibération publique. Les membres du comité de surveillance peuvent avoir des intérêts privés vis-à-vis du résultat, mais ils ne prennent pas part à l’animation du jury. Cependant, les membres observent directement le processus et peuvent intervenir en présentant une demande de modification de certains éléments de la procédure. 

Après leur développement par Ned Crosby dans les années 1970 et leur diffusion par Jefferson Center aux États-Unis depuis les années 1980, des centaines, et probablement des milliers de procédures appelées jurys citoyens ont été organisées. Diverses personnes et organisations ont été à l’initiative de ces procédures, avec des objectifs, des valeurs, un enthousiasme pour la pensée critique et des approches politiques de la connaissance très variés. Les jury citoyens ont été organisés dans des configurations politiques très diverses, de nations sortant de la dictature à celles qui se considèrent comme des démocraties sociales élaborées. Les jurys citoyens peuvent contribuer à des plateformes d’évaluation technologique effectives en intégrant des principes de la recherche action participative (RAP) dans la procédure. 

Les jurys citoyens devraient se fonder sur les principes de la RAP pour remédier aux inégalités structurelles. Il s’agit de permettre dès la phase de cadrage de la question, que celle-ci soit discutée selon les priorités des personnes dont les connaissances ont été marginalisées, plutôt que de discuter seulement d’une technologie particulière qui intéresse ses propres sponsors. Pour être effectifs, il faut que ces jurys citoyens « à organiser soi-même » fassent partie de processus plus larges de RAP, afin que celles et ceux qui partagent ces perspectives marginalisées puissent avoir l’initiative de questions posées aux scientifiques et développeurs technologiques. 

L’utilisation de jurys citoyens pour l’évaluation technologique remonte à 1998 avec la procédure du Citizen Foresight. 

Les valeurs des plateformes
d’évaluation technologique

Les principes des plateformes
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Les Plateformes d’évaluation technologique régionales